Les aventures d'une jeune fille by Jean-Edern Hallier

Les aventures d'une jeune fille by Jean-Edern Hallier

Auteur:Jean-Edern Hallier [Hallier, Jean-Edern]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction
ISBN: 9791036906527
Éditeur: Seuil
Publié: 1963-01-02T00:00:00+00:00


Mais je devrais, avant d’en revenir au théâtre, rappeler une expérience parallèle, jusque-là remise « ...requérant une parfaite disponibilité du corps... Vous vous installerez au soleil, n’importe où... allongé sur le banc de granit, dans l’herbe, au bord de la mer ».

Des images fragmentées, mouvantes ; images en formation, images en pleine décomposition, recueillant quelque pourrissement diffus de la lumière étalée de part et d’autre des yeux, se propagent. J’assiste à des naissances, à des croissances instantanées, mais aussi à de lentes déflagrations, gerbes d’explosions, qui se muent en rubans noués, dénoués ; en feuilles enroulées, déroulées, de quelque végétal inconnu, en tentacules noirs, sans jamais cesser d’être des formes fluctuantes, inorganiques. Aussi n’évoquent-elles que très approximativement les images connues, répertoriées, qui les ramèneraient toutes à une seule ; justifiant un lieu que le corps pourrait occuper implicitement en fonction d’elles, variable de ces images ; et le ferait commander, en toute connaissance de cause, la métamorphose d’un paysage, son mouvement interne, l’angle nouveau selon lequel il investit d’autres dimensions, et y progresse — que je sois ici ou là, l’essentiel étant que je sois toujours en mesure de m’orienter —, où j’avancerais, reculerais, m’immobiliserais ; le ciel s’obscurcissant soudain, voile noir, voilé ; le vent se levant, inclinant les pins sur les dunes. Images aussi incohérentes (leur cohérence s’établit ensuite...) que les striures que provoque un doigt posé, puis délibérément appuyé sur une paupière close — le rouge aussi, le rouge vermeil du sang qui circule dans les petits canaux, visibles de l’intérieur, vire au jaune, et le jaune au vert ; variations incessantes, arc-en-ciel, effectivement provoqués par mes doigts appuyés sur les paupières, avant que je ne retire cette main ; les doigts toujours écartés entre le pouce et l’index. La gêne qui accompagnait la compression de la rétine se dissipe. Des taches grises, des ombres que nul relief ne proposerait, mouchettent encore l’air, se raréfient, filent dans les coins, bordent un périmètre qui s’élargit ; disparaissent entièrement pour révéler le spectacle auquel je m’accoutume. Les paupières alourdies se rabattent, vaincues par cet effort. Autant de réveils en sursaut qui préludent de peu au glissement dans l’inconscience. Jusqu’à ce que, à force d’attention, le rectangle légèrement moins sombre d’une fenêtre commence à se dessiner ; et le jour, peut-être, à poindre, et à recomposer tous mes points de repère habituels. A moins que cette nuit ne s’éclaire de toutes parts, ne se rapproche d’un autre lieu à l’éclat nul que l’oubli seul serait susceptible de restituer. La soie s’effiloche. Le corps, presque nu, est couché sur le sable chaud. La durée du sommeil a déplacé l’ombre du parasol en haut de la plage. « Je ne sais pas comment il réussit à éviter l’insolation... voyez-le, il dort ici depuis plus d’une heure. » Et sa main à elle se pose, délicatement sur mes yeux, sur mon front ; elle me caresse le visage. Et je prolonge délibérément mon sommeil. Peut-être s’est-elle couchée à côté de moi, sur le dos, son avant-bras frôlant mon épaule.



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